La lecture m’accompagne et me nourrit au quotidien depuis l’enfance. Partager les ouvrages qui m’ont touchée intéressée amusée scotchée ou bouleversée est un plaisir supplémentaire. Et un tremplin vers le partage intime et ultime : l’écriture, qui m’anime et me passionne tout autant.

Alors c’est bien, de Clémentine Mélois

Clémentine Mélois déroule dans ce livre les derniers jours de son père. Comment il a envisagé sa mort, souhaité la cérémonie, comment ses filles et sa femme ont fait émailler sa croix d’une couleur par lui-même choisie. Elle égrène ses souvenirs, entrecoupés de dialogues dont la simplicité donne le ton de l’intimité, de citations du journal de son père donnant le ton de la profondeur. Un chemin au bout de la vie, ponctué de réflexions personnelles touchantes et justes. 

Bernard Mélois, sculpteur, Prix de la Vocation 1963, a vécu toute sa vie avec ses idéaux, une certaine idée du grand, du beau, de ce qui suffit pour vivre, pour être heureux, de ce qui est nécessaire, important. Un artiste à la fois bohème et exigeant, un père imaginatif et présent.


Il y a dans ce récit, dans ces derniers jours et dans cette vie beaucoup d’amour, d’humour, une fantaisie assumée qui me plait tant, le travail créatif et l’inspiration mêlés à la vie quotidienne. Ce livre aborde également les thèmes intemporels et universels du souvenir, du partage, de la famille et de la transmission.

Un texte sur le deuil et la vie à la fois. 


Alors c'est bien, de Clémentine Mélois

Aux éditions L'arbalète / Gallimard

Prix Méduse 2024

Le dernier thé de maître Sohô, de Cyril Gely

À travers la rencontre de la jeune Ibuki avec Sohô, grand maître samouraï, se dessine à la fin du XIXème siècle la transition entre un Japon séculaire, insulaire, et la modernité.

Le mode de vie ascétique du Maître calme la fougue de la jeune fille déguisée en garçon pour tenter de réaliser ainsi son rêve : suivre son enseignement et devenir à son tour samouraï. Alors, lorsqu’il insiste pour lui apprendre le thé au même titre que le sabre, elle accepte. 


Ce livre, comme un conte, aborde la vie la mort le combat et le quotidien, l’importance du minuscule et de tous les instants, parle de politique un peu et de poésie aussi. Il représente tout ce que j’aime : un beau titre, une très jolie écriture claire précise sans hésitation, un rythme soutenu pourtant aéré, une histoire qui fait voyager et apprendre, des personnages riches, de l'humour et une part de spiritualité. 

Un roman très juste très fin, qui emporte par la puissance de sa délicatesse et son intelligence. 


Cerise sur la gourmandise littéraire : cet ouvrage de la collection 1er/ mille édité chez arléa est très esthétique. Raison de plus pour le faire entrer dans sa bibliothèque. 


Le dernier thé de maître Sohô, de Cyril Gely

Aux éditions Arléa, 1er/ mille


Troisième lecture pour le Prix Libraires en Seine 2025

Traverser les montagnes, et venir naître ici, de Marie Pavlenko

Le pouvoir des montagnes, leur isolement leurs promesses leur rudesse tendent un cadre à l’histoire d’Astrid et de Soraya.
Toutes deux sont en quête de renouveau, d’un possible nouveau départ, en équilibre précaire entre deuil et survie. L’une cherche une maison une nouvelle région dans ce mouvement tenter d’avancer, entourée entourée de la perte absolue, celle de sa famille. L’autre, si loin de son pays, seule, en détresse, sans nouvelle des siens, tend ses dernières forces vers la France, pays d’accueil.

De leur rencontre nait un infime espoir, un être humain protégé par les montagnes. Jusqu’à qui, jusqu’à quand ? Dans les sublimes paysages du Mercantour la solidarité et la force des femmes emmènent le lecteur dans une danse prenante, entre l’espoir et la fuite.


Traverser les montagnes, et venir naître ici, de Marie Pavlenko

Aux Éditions Les Escales, domaine français


Deuxième lecture pour le Prix Libraires en Seine 2025

La Petite bonne, de Bérénice Pichat

La petite bonne est jeune, déterminée, travailleuse. Elle se contente de peu, un petit logement, un homme gentil presque tout le temps, des revenus permettant de se nourrir même si pour cela elle effectue des travaux difficiles et fatigants chez plusieurs patrons. La petite bonne rêve de peu, d’une bicyclette peut-être, juste de quoi s’alléger. Elle a oublié ses rêves.

Durant les années 1915-1920, la grande guerre a rendu aux familles beaucoup de cercueils et des gueules cassées, comme cet homme sans âge et sans avenir dont s’occupe avec abnégation son épouse.
Au carrefour de leurs individualités vont naitre une demande et un projet fou, de ceux qui pourraient tout remettre en cause. Où placer la frontière entre le pire et le meilleur ? À quel point s’oublier pour se consacrer aux autres ?
Dans une forme propre, imprimée sur un beau support par les éditions Les Avrils, l’écriture alerte de Bérénice Pichat déroule ces infimes moments du quotidien et la façon dont le changement se glisse dans les interstices pour peut-être tout changer.

La petite bonne, de Bérénice Pichat

Première Lecture pour le Prix Libraires en Seine 2025

Vers la joie, de Laurence Tardieu

Ce livre est très fort, très beau, en commençant par un titre qui attire autant qu'il interroge. J'ai ouvert Vers la joie, et ne l'ai pas lâché avant la conclusion, happée par le rythme, par l'écriture magnifique, par l'émotion m'ayant saisie dès la première page. 

Dans la première partie reviennent la force et l'angoisse mélangées du précédent livre de Laurence Tardieu, D'une aube à l'autre, racontant la terreur de tout parent : la maladie d'un enfant jusqu'au bord de la vie.

La deuxième partie aborde la période méconnue, sous-estimée et pourtant cruciale, de l'après, avec cette interrogation : "comment vivre après le combat ?" Quand la maladie est tenue à distance, le combat semble gagné, tout pourrait être derrière soi. L'auteure décrit de façon très juste le sentiment d'être perdue dans le temps et dans l'espace, la sensation de devoir à nouveau chercher sa place, quand les mots se dérobent et que l'on peine à s'ancrer dans la vie, dans sa vie.

Malgré ce que cette lutte a de destructeur, dans la dernière partie l'existence poursuit son chemin, des liens se tissent et la joie revient.

Comme dans À la fin le silence, l'actualité s'intègre dans le récit, la course du monde dans le cours de la vie, la folie des hommes entre en choc avec la sphère privée où une mère se bat pour la survie de ses enfants, une amie pour accompagner ses proches dans la douleur.
L'écrivain oscille entre ces deux espaces perméables, et décrit à merveille son combat vers la joie.

Vers la joie, de Laurence Tardieu

Le parfum des fleurs la nuit, de Leïla Slimani

Dans le cadre de la collection "Ma nuit au musée"* (à l'initiative de la maison d'édition Stock), la romancière Leïla Slimani accepte de passer une nuit, seule, à la Punta della Dogana. Une partie de la collection d'art contemporain Pinault y est exposée depuis 2009, à l'extrême pointe du Dorsoduro, près de la Basilique Santa Maria della Salute, là où se rejoignent le Grand Canal et le Canal de la Guidecca. Le musée d'art contemporain rénové par Tadao Andō intègre un cube de béton comme centre névralgique des anciennes douanes XVIIème de Venise. 

Au cœur des 5000m2 de bâtiments à l'esthétique forte et l'histoire chargée, Leïla Slimani livre sans détour ses impressions. Perdue dans le plan du musée, intimidée par l'art contemporain, au fil des heures et de sa visite dans le silence et l'obscurité se dessinent son rapport à la solitude, à l'écriture, au déplacement, au déracinement. Dans cette errance s'invite la ville de Venise, son passé et son avenir ; dans la nuit surgissent les lieux de l'enfance, leur géographie leurs parfums ; et dans ce cadre mouvant s'installe un dialogue entre l'auteure et son père, entre l'adulte et la jeune fille qu'elle était, un dialogue avec la vie tout simplement.

Ce livre est porté par une écriture magnifique, il nous emporte au loin ou bien tout près, en Orient en Occident, en famille ou sur les chemins de la littérature.

Le parfum des fleurs la nuit, de Leïla Slimani,
Aux éditions Folio et Stock

* Dans la même collection, Lola Laffon passe une nuit dans le musée Anne Frank d'Amsterdam. "Quand tu écouteras cette chanson", un récit très fort.

"Je ne serais pas arrivée là si ..." 30 femmes racontent, d'Annick Cojean

Annick Cojean choisi 30 interviews parmi toutes celles réalisées pour Le Monde dans le cadre de sa chronique "Je ne serais pas arrivé.e là si ..." .
30 femmes se livrent avec sincérité et toute leur personnalité sur ce sujet fondateur, sur ce qui les a constituées et pourquoi, comment elles ont rebondi, grandi, avancé.
Comment porter la douleur, supporter la discrimination, la suprématie familiale ou masculine, en tirer force, pouvoir d'engagement, refuser les carcans les enfermements dans une case une famille un milieu social ou un mariage.

30 femmes hautement inspirantes, 30 chapitres à lire dans l'ordre souhaité. J'ai adoré papillonner d'Amélie Nothomb à Marianne Faithfull, de Virginie Despentes à Patti Smith, d'Hélène Grimaud à Anne Hidalgo, Laura Flessel, Agnès B., Marie-Claude Pietragalla, ... découvrir leur enfance, leur vie, leurs fêlures, leurs fiertés.


Une lecture essentielle

La perle, de John Steinbeck

Dans une baie de basse Californie, Kino, pêcheur indigène, découvre un jour La perle, celle qui pourrait changer sa vie, la vie de sa femme et de leur bébé élevé dans la pauvreté d’une communauté mise à l’écart du confort, des soins, de l'éducation, de la réussite.

Le mal, la jalousie et la convoitise montent comme la gangrène au fil des lignes, dans le cœur des hommes, les bons les mauvais, dans ce conte haletant sombre et dense. 


La perle, de John Steinbeck - Prix Nobel de littérature